Portrait de Thomas Groemer

Fasciné par les thés japonais il les choisit pour en faire sa carrière.

Il est continuellement sollicité par les visiteurs de la «Tea & Coffee World Cup» expo, qui se déroule à Vienne (AT) en avril 2010 et c’est pareil lorsque nous nous revoyons à la COTECA à Hambourg (DE) en juin. Finalement ce sera au SIAL à Paris en octobre, où les grèves dans les transports freinent parfois le flot des visiteurs, que nous trouvons le temps pour un entretien. Le stand est grand et beau, l’équipe offre des petites dégustations à tour de bras et nous faisons enfin connaissance avec AIYA : numéro un du monde pour la fabrication de matcha et également le plus grand producteur de matcha «bio». AIYA produit 45% de la production japonaise de cette poudre de thé merveilleuse. NB : voir aussi dans le n° 7 un rappel sur la définition du matcha !

Directeur général d’AIYA Europe, Thomas GROEMER est né à Vienne où il fait des études de langue. Pour perfectionner son japonais il part au Japon en 1991 et s’est trouvé à Shizuoka, préfecture côtière au pied du Fujiyama où l’on produit plus de 40% des verts du Japon. Là il voit tout le monde boire du thé, tout le temps et partout, et en le dégustant et en le commentant, ce qui est normal pour un produit agricole local d’une telle importance économique. Il y en avait aussi en distributeur automatique, c’était vraiment la boisson incontournable.

Après quelques jours d’adaptation il la découvre et la trouve réellement délicieuse, rafraîchissante et «dé fatigante». De retour dans son Autriche natale il constate que l’on ne trouve nulle part ces thés verts japonais qui sont tout simplement inconnus sur place ! C’est vrai qu’en Autriche on boit d’abord du café et puis beaucoup de tisanes. Thomas décide donc de retourner au Japon pour étudier les thés verts sur place et il y passe plus de 2 ans à les explorer au sein d’une société productrice. Il y est très apprécié comme un étranger ayant acquis une réelle compétence et ses aptitudes organoleptiques sont reconnues excellentes par les professionnels ; ainsi il nous dit qu’il avait alors sa propre page de commentaires, une sorte de blog personnel, dans la presse du thé locale.
En fin de compte il est embauché par AIYA pour mener la conquête du marché européen. Cette société familiale gérée par la 4e génération actuellement se trouve à Nishio dans la préfecture de Aishi, avoisinante de Shizuoka à l’ouest. C’est en 2001 qu’elle pose ses premiers jalons en Europe, c’est en 2003 qu’elle fonde AIYA Europe et en 2008 c’est Thomas qui s’installe comme DG Europe dans les bureaux établis à Hambourg en Allemagne. Cette belle et ancienne ville portuaire est une plate-forme majeure du commerce du thé européen où transitent chaque année environ 25 000 t de thé vers d’autres marchés, la France, l’Autriche, la Pologne, les Pays-Bas entre autres.
Nous apprenons que la production mondiale de matcha se situe aux alentours de 1 500 t et que le marché Européen en représente actuellement une consommation de 75 t, voire 5% de la production.
Thomas nous dit que même aujourd’hui il n’y a pas d’endroit à Hambourg pour déguster un authentique bol de matcha ; il a donc saisi le déplacement à Paris pour constater qu’ici il y a toute une série d’endroits de grande qualité ; nous lui confirmons qu’il y a au moins une dizaine de maisons de thé à Paris où l’on sert du vrai matcha en préparant la boisson dans les règles de l’art. Il est impressionné.

Sur son stand il a exposé le «moulin à matcha», qui écrase les feuilles séchées et dénervées de thé vert entre deux immenses meules de granit ; sous protection de verre ce moulin tourne à cadence avec un rendement d’environ 30g de matcha par heure ! On s’imagine alors aisément pourquoi le matcha est aussi couteux ! Toutefois, en respectant les consignes pour la matière première il y a aussi une fabrication mécanique avec des moulins industriels et donc à rendement bien plus performant, ce qui permet de faire des produits moins cher et d’ouvrir d’autres voies de consommation que le bol rituellement préparé. Ce sera le matcha culinaire et le matcha pour les boissons fraîches et les glaces. Chez AIYA il nous confirme que seule la manière traditionnelle est appliquée, donc la mouture en moulin à meules de pierre.

La politique innovante et proactive qui caractérise la stratégie de la maison convient parfaitement à Thomas, qui l’applique à fond en faisant déguster des granités, des boissons tièdes et froides, à base de lait de soja notamment qui confère une onctuosité veloutée aux petites tasses.
Une autre forme : la poudre de thé est fabriquée à partir de feuilles de thé vert non dénervées ; selon notre interlocuteur ce produit convient seulement pour des «suppléments alimentaire » mais non pour une utilisation culinaire.
Thomas nous explique pourquoi il est très fier de représenter AIYA en Europe : non seulement cette société cherche à innover sur le plan du produit et de son utilisation, mais elle a aussi innové au niveau des planteurs de thé : en assurant la formations des agriculteurs planteurs de thé et en offrant des prix d’achat garantis pour toute leur production annuelle AIYA a réussi à voir s’opérer tout un transfert de la production de sencha vers la production de tencha, un savoir faire devenu un peu trop rare et qui a ainsi été relancé. Il y a actuellement environ 300 planteurs qui maîtrisent cette fabrication et parmi eux 220 sont maintenant sous contrat d’exclusivité avec cette société familiale traditionnelle.

Je lui fais mes compliments pour cette intense activité de représentation dans les salons professionnels et lui dis que la jeune femme qui l’assiste m’avait déjà frappée par son accueil aimable à Vienne et à Hambourg ; alors il me répond avec un grand sourire : «c’est mon épouse, elle m’accompagne partout, connaît à fond nos produits et m’épaule merveilleusement dans ces événements assez denses mais aussi assez fatigants». C’est avec plaisir qu’ils posent ensemble pour la photo.