Etre propriétaire de jardin - une vie vraiment trépidante. |
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Portrait de Shiv K.SARIA, patron de 4 plantations : Rohini et Gopaldhara au Darjeeling, New Glencoe et Soongachi dans les Dooars.
C’est dans ses bureaux dans le quartier du thé à Siliguri que nous faisons connaissance. Le téléphone sonne beaucoup, les gens vont et viennent et il y a une dégustation en cours. Plusieurs fois par jour les thés arrivant des manufactures doivent être évalués par les patrons ; il y là Shiv, son frère, son neveu Rishi et son conseiller scientifique, Buddha Dev Acharya, ancien fonctionnaire de la FAO. On m’explique qu’ici on travaille beaucoup et presque toujours en famille. C’est le père de Shiv, arrivé du lointain Rajastan comme beaucoup d’autres, qui a créé l’entreprise il y a plus de cinquante ans. En Inde on sait que c’est cette communauté des Marwari, originaire du Rajastan chaud et désertique, région des fiefs princiers célèbres comme Jodhpur, Jaipur ou Udaipur qui a permis de bâtir l’industrie du thé en Assam d’abord.
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Shiv K Saria dans une parcelle replantée |
C’est par leur énergie infatigable et leur persévérance légendaire qu’ils ont défriché les zones tribales et tropicales de la vallée du Brahmapoutre pour en faire la région théière la plus grande du monde. Par la suite ils ont aussi pris en main une partie des jardins des plaines du Nord et des hautes collines du Darjeeling.
Il faut toujours être tourné vers l’avenir me dit Shiv et ne jamais s’arrêter sur l’acquis. Ainsi il ne cesse de planter et de replanter, suivant des programmes élaborés avec à la fois un esprit de marketing et des précisions d’agronome scientifique. | |
Rohini que je visite avec son neveu est considérée comme une plantation très jeune car sur les 150 ha environ, qui s’étalent sur trois niveaux d’altitude,108 ha ont été progressivement replantés avec des variétés clonales de haute qualité de plusieurs sortes. Une partie a été importée du Japon afin de faire face à la demande croissante pour des thés verts très fins et c’est cette anticipation des tendances du marché qui a permis de mettre au point le nouvel assortiment dont Rishi me montre fièrement le catalogue : des thés Darjeeling blancs, verts et façonnés dans des emballages qu’il a conçu spécialement pour l’export.
Pour admirer une partie de ces jeunes parcelles, splendides dans leur feuillage du first flush le 4x4 grimpe une route tellement raide, qu’il faut s’accrocher et éviter de regarder du coté de la vallée. Après le déjeuner au bungalow du planteur, très britannique et romantique entouré d’arbres anciens couverts de lianes et habité par le directeur de la plantation, nous retournons voir l’usine et passons devant un village de cueilleurs. C’est jour chômé car ils fêtent l’augmentation de paye journalière, acquise de haute lutte par les syndicats le 2 avril 2011
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une fois les cailloux retirés |
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le "tapis" devient "parfait" |
Le lendemain nous partons dans les Dooars, les plaines du Nord, qui s’étendent des collines du Darjeeling vers la vallée du Brahmapoutre sur environ 200 km. Accompagnés de Buddha nous visitons en premier Soongachi, un jardin de 300 ha ; c’est là que Shiv me donne de nombreux éléments chiffrés pour expliquer les divers aspects d’une bonne gestion de plantation. Nous passons devant des parcelles récemment «arrachées» et en friche de repos, vers des parcelles nouvellement replantées et puis vers des parcelles en plein rendement. Shiv a décidé de mettre toute la plantation de 300 ha en irrigation, pour une meilleur récolte. Une plantation nouvelle et raisonnée peut contenir jusqu’à 15 000 théiers à l’hectare et son rendement optimale, qui commence vers la 9e année après la plantation peut aller de 3 500 kg à 5 000 kg /ha/an. Ces chiffres l’enchantent car ces jardins étant tous de surface délimitée la seule croissance possible est «la croissance verticale», m’explique-t-il. Un autre aspect qui frappe est de voir les énormes cailloux partout, qui sont montés en murets et bordures de chemin et que l’on voit aussi en tas à coté des parcelles «arrachées». Il est vrai que le terrain n’avait jamais été vraiment dé- caillouté auparavant ce que l’on peut voir dans les parcelles aux théiers plus anciens, car il y a partout des «trous» où les racines des théiers bridées par les pierres n’ont pas permis aux plantes de prospérer.
C’est donc un travail d’amélioration de fond du terrain que Shiv a entrepris ; selon lui cela coûte environ 2% du chiffre d’affaires de la plantation mais c’est important pour préserver l’avenir. Les trop gros morceaux sont enlevés par des camions des constructeurs de route du tout proche Bengla Desh, voilà une affaire sans mise d’argent mais aux gagnants des deux côtés. Shiv est vraiment content de penser que bientôt aucune parcelle n’aura des «trous» et que toutes seront recouvertes comme d’un tapis complet de feuilles.
En route pour l’usine de Soongachi il me raconte qu’il devra sans doute s’absenter pour une semaine pour assister à la remise de diplôme de sa fille, brillante étudiante aux USA et qu’il ira ensuite accompagné de son épouse voir aussi son fils qui poursuit sa carrière en Californie. Heureusement c’est son neveu, Rishi Saria, qui est pleinement engagé dans l’entreprise en tant que 3e génération.
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les feuilles vertes arrivent |
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le thé noir repart en sacs de 20 kg |
A l’usine nous voyons arriver la file des cueilleuses qui déchargent leurs fardeaux de feuilles dans l’aire de séchage.
Après son tour d’inspection Shiv s’entretient avec le factory manager avant de signer les registres, il me confirme que suite à l’agrandissement des installations, la production de thés CTC a augmenté de 500 t à 3 000 t ! En route pour New Glencoe il me dit qu’il fait tous les matins une heure de yoga et de méditation pour faire face au stress généré par ces multiples défis et la responsabilité importante pour les 4 jardins, leurs villages et leurs usines, mais qu’il aime toutes ces opportunités de faire mieux et de produire plus.