Partie 1 : par voie terrestre. |
Vers le royaume du Tibet et les nomades du nord-ouest : par des documents et registres officiels nous savons que dès la dynastie des T’ang - 618 à 907 de notre ère - les deux monopoles les plus lucratifs de l’Empire étaient celui du thé et du sel.
A cette époque le thé était également devenu une marchandise d’échange transfrontalière d’une importance primordiale : les populations nomades du nord-ouest et le Royaume du Tibet étaient grand demandeurs de thé. C’est sous la dynastie Song –960 à 1279– qu’a été créé le célèbre «Bureau d’échanges du thé et des chevaux» en 1074 pour assurer l’approvisionnement de la cavalerie impériale en chevaux de guerre tibétains. |
Vers les royaumes nomades des Mongols : A cette même époque une nouvelle route du thé partait des provinces du sud et du centre vers les steppes du Nord où étaient installés les royaumes nomades des Mongols aux forts désirs expansionnistes qu’il fallait en permanence tenir à distance.
Dans un tombeau du 11e siècle, découvert en 1997 dans la province du Hebei, jadis le territoire des Kitans on a trouvé des peintures murales montrant un serviteur qui préparait le thé avec le même genre d’ustensiles trouvé 10 ans plus tôt dans le trésor de Famen Si - voir le n° 10 !
La conquête mongole amène la dynastie des Yuan sur le trône de la Chine ; fondée en 1206 par le petit fils de Gengis Khan les Yuan restent en place jusqu’à l’avènement des Ming en 1368. Ces bouleversements des alliances géostratégiques et des pouvoirs s’accompagnent d’importants mouvements de populations mais le thé, nécessaire aux habitants des steppes du Nord et les chevaux nécessaires aux armées de la Chine restent des enjeux commerciaux majeurs : en 1571 l’empereur Ming Muzong accepte l’ouverture de 6 marchés officiels de chevaux à la frontière où les nomades mongoles pouvaient se fournir en thé, argent, soie et marmites en fer contre chevaux, peaux et fourrures. Rapidement c’est le poste nommé Kalgan côté mongole et Zhangjiakou côté chinois, un passage dans la grande Muraille à environ 150 km au nord de la capitale Pékin qui devient le plus important et voit jusqu’à 40 000 chevaux passer dans l’année.
Vers l’empire Russe : C’est dès 1635 que des envoyés de la cour du Tsar avaient dégusté cette boisson inconnue jusqu’alors et c’est à partir de 1650 que la Chine proposait du thé contre des fusils russes. Le Tsar Pierre le Grand décide de formaliser les échanges commerciaux avec la Chine de la dynastie Mandchou et c’est en 1727 que l’important «Traité de Kiakhta» définit les frontières entre les deux empires et établit un monopole de commerce englobant formellement le thé. Les conditions accordées alors à la Russie étaient nettement plus favorables que celles accordés aux marchandises exportées par le port de Canton. En fait ces échanges très contrôlés étaient principalement du troc pour éviter le transfert d’or et d’argent. A cette époque de nombreuses plantations en Chine appartenaient à des propriétaires Russes ; un voyageur britannique rapporte en 1883 que le thé entreposé en attente du transport par caravanes de chameaux vers Moscou et Kiev ressemblait à un village, les caisses étant empilées en longueur et en hauteur sur des milliers de mètres. Dés le départ on établissait des distinctions précises entre les thés fins en feuilles, cultivés à 60 cm et les théiers pour les thés en briques, nettement plus grossiers, cultivés à hauteur d’homme. De même les thés transportés par voie terrestre étaient moins torréfiés et gardaient un goût plus fin que les thés destinés aux ports pour le transport maritime. Un registre datant de 1851 fait état d’un bilan de l’année de 9 millions de livres de thés en feuilles et de 4,6 millions de livres de thés compressés qui partaient à dos de chameaux pour un transport de 4 000 km. L’ouverture du Canal de Suez en 1869 sonne le glas de cette route du thé terrestre. Malgré la qualité très supérieures des thés des familles», cultivés dans le Fujian pour les fins palais des amateurs russes et d’autres Européens c’était le différentiel du coût de transport qui était devenu insoutenable. Après plus de 150 ans d’intense activité la ville sibérienne de Kiakhta retournait à l’oubli.
Source :
The Tea Road par Martha Avéry
ISBN 7-5085-0380-5
The Tea Road par Martha Avéry
ISBN 7-5085-0380-5