Le Darjeeling et ses jardins de thés célèbres – Introduction. |
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Le district du Darjeeling est un tout petit bout de l’immense Inde, enchâssé entre le Népal à l’ouest et le Sikkim à l’est et qui fait partie de l’état fédéral du West Bengale, dont la capitale est Calcutta. En fait, ces contrées montagneuses font partie des contreforts de l’Himalaya et par temps clair on aperçoit les pics enneigés au lointain, notamment le Kanchenjunga, qui s’élève à plus de 8 000 m. C’est donc là que dans les années 1830 les Britanniques, seigneurs coloniaux de l’Inde jusqu’en 1950, ont trouvé le climat tellement agréable et frais qu’ils ont proposé au Maharadja du Sikkim de lui acheter ces collines en friche. En 1835 l’achat fut signé et peu à peu une véritable station de montagne s’installe, attirant de nombreuses populations tribales des alentours qui y trouvaient un travail rémunéré ; ensuite arrivent aussi des missionnaires et des colons pionniers d’Europe. Ce sont ces derniers qui ont commencé à planter des cultures vivrières dans leurs propriétés, parmi lesquelles des caféiers et des théiers.
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les pentes abruptes |
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le first flush en avril 2011 |
Nous savons que des théiers de plaine indigènes avaient été identifiés, par les frères Bruce, plus au sud dans la vallée du Brahmaputre et que l’on a ainsi démarré la production de thé de la variété «assamica» dans les années 1835. Par contre les théiers plantés dans son jardin au Darjeeling par le Dr A.Campbell en 1842 étaient de la variété «sinica» et provenaient de l’expédition de Robert Fortune, qui avait été envoyé en mission secrète en Chine pour se procurer des graines et des boutures de théiers dans le Fujian.
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les cueilleuses rentrent |
Avec leur feuilles petites et rigides et leur tronc multiple ces théiers, originaires de Chine, que l’on appelle aussi souvent «china jat»,se sont épanouis dans ce climat d’ altitude, aux nuits fraîches et aux matins brumeux avec les terrains en pentes assez raides. Très rapidement on s’est rendu compte que la saveur de ces thés était d’une richesse aromatique incomparable et littéralement pétillante lors de la première cueillette après la période de dormance qui dure les 3 mois des frimas en hiver. En 1874 les registres font état de 113 jardins de thé, nommés et délimités. Les premières récoltes sont engrangées en 1870 et assez rapidement ces thés du Darjeeling deviennent recherchés par les coloniaux, puis en métropole, à Londres et dès les années 1900 leur renommée s’étend à l’Europe entière.
| Aujourd’hui ce terroir des thés est délimité et défini avec précision et s’étend sur environ 3 200 km² culminant à 3 600 m d’altitude. S’y trouvent 87 jardins de thé nommés et enregistrés ainsi que 67 manufactures de thé. Vous les voyez sur la carte ; ils se répartissent en 7 régions : Mirik, Rungbong, Kurseong nord et sud, Darjeeling est et ouest et Teesta valley, et s’étendent sur les pentes des vallées creusées par les deux grandes rivières que sont la Teesta et la Balasan et leurs affluents.
Notons que la culture du thé ne couvre qu’environ une grande moitié de la surface du district avec ses 18 000 ha de plantation de théiers. Par ailleurs, la grandeur des jardins varie considérablement avec les très grands comme «Longview» qui peut produire jusqu’à 600 000 kg et puis «Thurbo» et «Margaret’s Hope» avec environ 300 000 kg de récolte annuelle, «Namring» et «Puttabong» avec 200 000 kg, «Okayti» avec 150 000 kg suivis des moyens et petits jardins. | |
Bien évidemment toutes les cultures de thé sont protégées par un réseau de shade trees, arbres à ombrage, qui procurent une protection contre l’ensoleillement et sont générateur d’un brassage d’air indispensable au bien-être des théiers. Chaque jardin possède ses propres villages, c’est là qu’habitent les villageois, en très grande partie des népalais et autres montagnards, parmi lesquels se trouvent les cueilleurs voire les cueilleuses et les ouvriers et techniciens des manufactures ; chaque village possède ses terres de cultures vivrières, généralement une moitié de la surface de la plantation ; c’est donc un magnifique paysage patchwork qui s’offre aux visiteurs, sillonné par des chemins étroits, où les 4x4 et les tracteurs agricoles grimpent à pic.
La récolte des thés du Darjeeling se fait en 4 temps :
- d’abord les tout jeunes bourgeons poussés après la dormance de l’hiver que l’on nomme first flush et que l’on considère comme des thés d’exception ; fragiles et en quantité limitée ce sont des thés rares d’une grande richesse aromatique et au bouquet pétillant de saveurs ; leur arrivage est un événement attendu par les amateurs avisés du monde entier et pour qu’ils arrivent dans toute leur fraîcheur splendide ils sont souvent les seuls que l’on fasse voyager par avion ; cette période de cueillette dure environ 4à 6 semaines et s’étale de fin février/mi mars jusqu’à mi/fin avril.
- puis la deuxième cueillette, ou second flush, qui s’effectue entre mai et juin ; il fait déjà chaud et la mousson va arriver, les feuilles sont plus mature et de couleur vert sombre, la tasse est plus corsée et plus ronde à la fois, le bouquet de saveurs peut évoquer les fruits mûrs ;
- récolte de la mousson, cueillie entre juillet et septembre, ces thés peuvent subir un manque d’ensoleillement, ce qui les rend moins savoureux ;
- dernière cueillette de l’année, la récolte d’automne en octobre va porter sur des feuilles plus larges et donc bien matures ce qui va donner une tasse à la liqueur plus sombre et à l’arôme plus puissant.
En fonction de son exposition au soleil, au vent et aux pluies, de son altitude, de son sol et surtout de l’âge et de la variété des théiers chaque jardin a des caractéristiques qui lui sont propres. Les meilleures récoltes des différentes jardins se vendent par parcelle et par jour de collecte. En plus des thés de jardins, à origine unique on trouve aussi des mélanges, principalement de jardins et de récoltes. Toutefois la dénomination «Darjeeling» ainsi que le logo sont protégés depuis longtemps par tout un dispositif de contrôle élaboré par le «Tea Board of India» et reconnu par les principaux marchés consommateurs. L’objectif est d’éviter tromperie, fraude et contrefaçon, et de garantir aux consommateurs l’authenticité de ces thés de qualité, à la fois précieux et coûteux et donc leur origine exclusive en provenance des jardins du district de Darjeeling.
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parcelles de thé à Tumsong Tea Estate |
Dans les prochains numéros nous allons vous présenter plus en détails quelques uns de ces grands jardins leurs maîtres et leurs thés.