Thé et Beaux-Arts numéros de 11

La collection du Flagstaff House Museum of Tea Ware à Hong Kong.

Le Hong Kong Museum of Art a été fondé en 1962 et c’est en 1981 qu’un grand mécène, le Dr.K.S.LO, propriétaire d’une importante entreprise de produits alimentaires lui a fait don de sa collection de céramiques de thé. Ce sont près de 600 objets, datant de l’époque des Zhou de l’Ouest – environ 1050 à 771 avant J.C. – jusqu’à notre ère qui ont permis de créer le Musée de la Céramique du Thé. Ce premier musée du monde spécialisé uniquement en objets du thé a été installé dans un bâtiment lui aussi exceptionnel, qui abritait la résidence et les bureaux du Commandant des forces britanniques. En tant que plus ancienne construction de l’île du style néo-classique de Hong Kong il a été déclaré monument historique en 1989.
Ce musée unique dans son genre a ouvert ses portes en 1984 et depuis ses collections se sont encore enrichies en sorte qu’actuellement il rassemble plus de 1300 objets. Toujours sous le patronage du Dr.K.S.LO plusieurs expositions organisées aux USA, au Canada et en Europe ont permis à des publics étrangers de découvrir la culture et l’art attachés à la consommation du thé.
Ainsi dans le contexte du Festival d’Art International des «Europalia», organisé chaque année par la Belgique, l’invité d’honneur de l’année 2010 était la Chine. Parmi les nombreuses manifestations comme les expositions «La route de la Soie» et «le Fils du Ciel» ainsi qu’une splendide maison de thé éphémère sur le mont des arts au cœur de Bruxelles il y avait aussi une magnifique présentation d’une partie de la collection du Flagstaff House Museum dans le Musée Royal de Mariemont. Se trouvant à une heure de Bruxelles, le Musée Royal de Mariemont abrite les collections d’art du mécène belge Raoul Warocqué ce qui en faisait un écrin parfait pour les objets du thé chinois prêtés par Hong Kong.

Rappelons que la consommation de thé était au début en partie le fait de raisons médicinales ou diététiques – on l’appelait alors «plante amère» - ou alors il était consommé en soupe donc sans ustensiles spécifiques mais préparé dans une vaisselle de cuisine. C’est seulement dans les régions du sud de la Chine, notamment dans l’actuelle province du Zhejiang, qu’un savoir-faire en céramiques s’est développé avant la dynastie des T’ang. C’est la puissance politique des Empereurs T’ang - 618 à 907 - qui inaugure une longue période de paix, générant richesse économique et épanouissement des arts et de la vie culturelle. Le célèbre traité sur le thé, le «Chajing» rédigé par LU Yu date de l’année 760 environ ; il mentionne les céramiques des fours Xing du Nord - province du Hebei où l’on savait déjà produire des grès durs et blancs très appréciés pour leur finesse.

Sous les T’ang le thé est manufacturé en galettes compressées que l’on émiette ou râpe, l’eau chaude est versée par-dessus dans le bol et on bat le thé pour obtenir une belle mousse ; les ustensiles sont donc principalement les gobelets, coupes et verseuses d’eau chaude.
Cela est pareil sous la dynastie des Song - 960 à 1279 - toutefois les techniques évoluent et d’autres terres porcelainières sont découvertes. C’est l’empereur Jingde des Song qui fonde les fours impériaux de Jingdezhen vers 1005. Profitant de gisements très importants de kaolin et de bois comme combustible ainsi qu’un accès aisé par voie fluviale, Jingdezhen devient rapidement la «capitale de la porcelaine» et l’est restée jusqu’à nos jours. C’est sous la dynastie des Qing -1644 à 1911 - que les recherches technologiques aboutissent à une palette de couleurs très variées qui permet la création, entre autres, de théières multi-couleurs splendides.
D’autres fours, à Jianyang - province du Fujian- se spécialisent dans une production unique de bols à thé en grès brun foncé, couverts de plusieurs couches de glaçures noires ou brunes, appelés «fourrure de lièvre» et «plume de perdrix», ces bols étaient particulièrement recherchés pour les concours de thé fouetté, très populaires sous les Song.
C’est sous cette même dynastie que débute l’exploitation du sable pourpre «zi sha», riche en oxyde de fer, des fours de Yixing - province du Jiangsu. Situé à proximité du Grand Lac «Tai Hu» au sud de Nanjing les potiers y ont produit des grès depuis le 2e ou 3e siècle, mais on pense que la fabrication d’objets sans glaçure n’a débuté que sous les Song. C’est sous la dynastie des Ming -1368 à 1644 - que l’évolution des techniques de manufacture du thé ouvre la voie à la consommation du thé en feuilles en abandonnant les thés compressés en galettes. Afin de faire infuser des thés en feuilles un nouvel ustensile voit le jour : la production de théières est lancée. Les fours de Yixing en deviennent rapidement un centre de fabrication célèbre. Des familles de potiers artisans et artistes s’y installent et signent leurs pièces de collection, la demande est importante. Plusieurs terres différentes sont couramment utilisées : contenant du kaolin, du mica et du quartz pour des théières pourpres, rouges et jaune clair.
La collection du Dr.K.S.Lo est très riche en belles pièces de Yixing ; en 1994 il a commandité une exposition d’œuvres récentes de 30 potiers distingués de Yixing avec l’intention de restaurer l’ancienne synergie et coopération entre lettré, potier, graveur, peintre, calligraphe et amateur de thé pour faire revivre la tradition. Si vous passez à Hong Kong ne manquez pas de visiter ce musée exceptionnel.
Crédits photographiques : Europalia China, Musée royal de Mariemont